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Aujourd’hui, je vous propose de déroger à notre sacro-sainte règle de l’article illustré par mes clichés plus ou moins bien cadrés et exposant mes pérégrinations. Car aujourd’hui, ce sera une recommandation de bouquin en espagnol, youpi! A tous ceux qui se sentent  d’ores et déjà victimes d’une prise d’otages déloyale, effectuée par une bibliophile sociopathe, fuyez vite, avant que le refrain de « Come together » ne vous attache définitivement à cette page ! Vous ne pourrez vous empêcher de vous dandiner après cela, et les souris ont tendance à être peu coopératives sous des doigts reliés à un bras agité de manière sporadique.

Ceci étant dit, parlons un peu de ce merveilleux livre, offert par Marimar lors de mon séjour chez elle. Car non, elle ne s’est pas contentée de m’héberger, quitte à être extrêmement généreux, autant aller jusqu’au bout, n’est-ce pas! Me voici donc en possession d’un livre, écrit pour moi semble-t-il, et dont le titre m’était déjà familier avant mon arrivée en Espagne. Ce chef-d’œuvre de la littérature sud-américaine fut publié en 1976, et immédiatement interdit en Argentine, du fait de son sujet: deux hommes partageant une cellule dans la prison de Buenos Aires, l’un accusé de corruption de mineurs (i.e. d’homosexualité) et l’autre d’actes politiques subversifs (i.e. d’être communiste).

 A partir de cette situation, l’auteur tisse un long dialogue entre les deux personnages, à peine interrompu par quelques documents à la froideur administrative, dialogue qui constitue un véritable révélateur de leur complexité. Le détenu homosexuel se comporte comme une Shéhérazade des temps modernes, contant des films vus dans sa vie d’homme libre afin de permettre leur évasion spirituelle de ce morne lieu.

 Ce qui est tout bonnement incroyable dans ce livre est son apparente simplicité qui nous mène vers des découvertes totalement inattendues, et qui néanmoins semblent découler tout naturellement des faits, comme si l’histoire était « réelle ». Les personnages nous apparaissent dans toute leur ambivalence, et les apparences se défont peu à peu, comme une toile d’araignée qu’on déchiquèterait avec patience. Une fois le livre refermé, il vous colle au cœur et une parcelle de chacun des personnages vous reste, comme la méduse qui s’agrippait au rocher-refuge de notre enfance.