A trois jours du départ pour Saül et la rando en forêt, me voilà obligée de tirer une croix sur l’aventure. La Guyane ne se laisse pas découvrir si facilement… Comme tant de gens avant moi, me voilà frappée par un mal inconnu. Fièvre, frissons, chute de tension : un moustique serait passé par là ?

Visite éclair chez le médecin après une nuit difficile et un malaise le matin même. Pourtant, je ne présente aucun des symptômes typiques du palu. Mes anticorps parleront à ma place : direction l’Institut Pasteur pour une prise de sang.

La réponse survient le lendemain : rien. Négatif. Ni palu, ni dengue. En réalité, les symptômes correspondraient à un parasite. Un ver dans mon ventre ! Les joies perverses de la Guyane ?

Quoi qu’il en soit, la bestiole a beau avoir réduit en poussières mes espoirs pour Saül, elle ne m’obligera pas à rester enfermée tout le week-end. Car ce samedi, je m’en vais pagayer sur la crique Gabriel !

Présentée comme la plus belle de Guyane, la crique Gabriel est située à 35km à l’est de la ville-capitale de Guyane et se jette dans le Mahury, dont l’estuaire dessine les frontières de l’île de Cayenne. Elle traverse marécages, savane inondée et forêt, s’ouvrant au fil de l’eau à des paysages très différents… et de ce fait, à une faune diversifiée. Singes, oiseaux essentiellement et même, avec un peu de chance, la vision furtive d’un morpho !

Le rendez-vous, point de départ de la balade, est fixé à 8h à Roura, bourg créole situé à l’est de Cayenne, à 40min de voiture environ. Nous formons un groupe de sept, avec mes colocs et des amis. Arrivés au carbet, gilets de sauvetage et touques sont distribués. En route ! Le prestataire nous fait remonter la crique en pirogue, de façon à nous permettre de faire du canoë dans le sens du courant.

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Comparé aux voyages en pirogue sur le Maroni et l’Oyapock, les deux fleuves-frontières de Guyane, celui que nous sommes en train de vivre n’a rien de similaire. Ni grande étendue d’eau, ni berges lointaines… cette fois, le cours d’eau est si mince que la végétation est omniprésente. Branches, lianes, palétuviers imposants : nous sommes en pleine forêt inondée ! Plongée dans l’enfer amazonien ! La vigilance est de rigueur, au risque de finir assommé et la pirogue avance lentement tant les obstacles sont nombreux sur la route, troncs effondrés ou feuillages anarchiques.

Après vingt minutes sur l’eau, nous quittons enfin l’étau des arbres et des lianes et nous enfonçons dans la savane inondée. Une immense étendue d’herbes hautes, entourée par les remparts sombres de la forêt : superbe !

Les canoës nous attendent sagement près de la berge… Tout le monde à ses pagaies !

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A contre-courant, nous nous engageons dans les marécages puis entrons dans la forêt inondée. La crique s’est rétrécie et nous avançons seuls entre les troncs et les palétuviers. Par moments, des arbres sont tombés en travers et il faut trouver quitter le cours d’eau principal et s’engager sur le côté de façon à contourner l’obstacle, dans un fouillis de lianes et de branches, l’eau parfois si peu profonde que le sable frotte le fond du canoë.

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Bientôt, la pluie nous rattrape et c’est la douche ! Les trombes s’abattent bien trente minutes et il faut vider le surplus d’eau qui monte dans nos embarcations à grandes brassées.

Quand l’averse se décide enfin à s’évanouir, nous atteignons – trempés – le lac Pali. Des tapis de nénuphars se sont déployés le long des arbres ; le miroir de l’eau reflète le vert de la forêt et le bleu du ciel, troublé par nos coups de rames. Des oiseaux colorés s’envolent sur notre passage. Dommage qu’aucun guide ne puisse nous renseigner sur leurs noms !

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Nous finissons par rebrousser chemin. Retour dans la forêt puis retraversée de la savane inondée.

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Désormais, nous allons descendre la crique jusqu’au carbet de départ. C’est parti pour 1h30 de traversée !

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Sur le chemin, des éclairs bleus. A l’inverse du sentier du Rorota où j’en avais aperçus pour la première fois, les morphos survolent la crique, passant au-dessus de nos têtes, assez longtemps pour pouvoir les admirer… et essayer de les prendre en photo ! Voilà le seul cliché que j’ai d’eux jusqu’à maintenant.

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Ni singes, ni paresseux ; la flore de la crique, quant à elle, est pleine de surprises. Arbres aux branches noueuses, fromagers gigantesques, et palétuviers en pagaille font partie du paysage. Nous voyons aussi à plusieurs reprises les fameux palétuviers rouges de la crique Gabriel.

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Retour au carbet. Une très belle balade, malgré la pluie battante sur le chemin. On vit l’aventure ou on ne la vit pas !