Il y a des îles qui, par leur seule présence, s’opposent à l’océan. C’est le cas de Sein, morceau de terre sortie des flots au large de la pointe du Raz : l’îlot veille sur le Finistère, véritable sentinelle entourée de rochers de granit, marquant fièrement la limite entre la mer d’Iroise et l’océan Atlantique.

Source : wikipédia

On pourrait presque l’appeler l’île du bout du monde, bien qu’elle ne soit pas la plus avancée sur la mer, Ouessant l’étant davantage. Quoi qu’il en soit, Sein est un monde à part, proie des tempêtes, séparé par huit kilomètres du continent. Les Sénans, ses habitants, sont une centaine à y vivre ; l’été, les touristes envahissent l’île – près de 1500 par jour, rien que ça !

A contre-courant de la foule, c’est en novembre que notre duo mère/fille a décidé de s’y rendre à son tour. Au diable Paris et tout ce qui s’y rapporte, cap sur la mer d’Iroise !

Alors, prêts à embarquer avec nous pour l’île de Sein ?

quimper_boueeSource : http://www.grandharbourhotel.co.uk/

9h passées, port du Rosmeur. Une pluie fine recouvre Douarnenez et a avalé l’horizon : ce matin, la ville est calme et le port l’est davantage. Quelques pêcheurs s’affairent près de l’eau, indifférents à la bruine matinale ; un peu plus loin, des hommes chargent des caisses de marchandise à bord du Enez Sun (île de Sein en breton). Notre bateau ! Une poignée de passagers – habitués ou visiteurs de quelques jours – gravite autour, attendant le signal pour gravir la passerelle.

Le temps est au gris ce matin et l’air humide. A la capitainerie, les prévisions du jour annoncent une mer agitée et une visibilité mauvaise. Voilà qui promet ! De quoi mettre à l’épreuve notre pied marin… il va falloir avoir l’estomac bien accroché.

sein_portdouarnenez

Lorsque l’horloge sonne dix heures, les aussières sont retirées et le bateau s’élance. Postées près du bastingage, nous regardons le port s’éloigner, l’eau recrachée à gros bouillons sur notre sillage. La bruine, seule, nous a suivies et dans la baie de Douarnenez, nous sommes encore au calme. Le pire est à venir…

A l’horizon, trône une brume d’un blanc vaporeux : nous filons à sa rencontre. C’est bientôt le déluge et nous nous réfugions à la poupe, protégées de la pluie battante et du vent. Les éléments se déchaînent, pas question pour autant de quitter le pont ! Après une heure environ, nous atteignons enfin la pointe du Raz. Le bout de la terre ! Cap sur l’île de Sein !

sein_pointeduraz

Sortis de la baie, la mer – violente – nous réserve de sacrées secousses. Le bateau monte et descend au rythme des lames, la pluie bat le pont, la proue soulevant d’imposantes masses d’eau qui passent le long de la coque dans des remous incessants. Et puis, comme un sursaut d’espoir, le ciel à bâbord se déchire. Le soleil brille à nouveau et nous apercevons enfin l’île entourée de rochers. Les premières maisons se détachent, le phare dressé au nord du morceau de terre. Nous y sommes !

sein_vuedubateau

Sein… Un radeau de pierre d’un peu moins de 2 kilomètres de longueur, entre 30 et 500 mètres de largeur.

sein_vue_aerienne2Source : http://www.directmatin.fr

Lorsque nous atteignons le port, une dizaine de Sénans attendent en amont du quai, les yeux rivés sur le bateau. Il fait beau et le vent est léger ; derrière notre dos pourtant, le continent est dans la tourmente. A en croire l’île épargnée !

sein_bateau

Premiers pas sur Sein. Les maisons aux volets de couleur pastel sont regroupées les unes contre les autres, comme pour se protéger du vent, de fines venelles se déployant en labyrinthe entre les habitations. Nous nous y perdons un peu, découvrant de petits jardins protégés des rafales, derrière les murets de pierre.

sein_ruelles

Nous passons devant la Mairie, une petite épicerie et dirigeons nos pas vers l’église St-Guénolé et les Causeurs, les deux menhirs de l’île.

sein_eglise

Une digue encore en construction relie le sud de l’île mais nous ne nous y aventurons pas, préférant arpenter les rues près du port.

sein_phare

Un petit sentier s’écarte des maisons et longe la mer. Nous dévions vers les immenses rochers de granit puis traversons la plage de galets blancs. Direction : le phare noir et blanc de Goulenez au nord de Sein, en haut duquel la vue sur l’île est imprenable.

sein_phare2

Sur le chemin, le Monument des Forces Françaises Libres attire notre regard. Érigé face au continent, il semble sortir tout droit de terre, seul dans un paysage de lande désolée. Nous nous approchons. Élevé en mémoire des hommes ayant répondu à l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940, le monument rappelle l’extraordinaire mobilisation des Sénans.

sein_monumentfrancelibre

D’ailleurs, lorsque le général passa en revue les premières Forces Françaises Libres à Londres, il s’exclamera :

Mais l’île de Sein est donc le quart de la France !

Au total, 128 Sénans, de 16 à 54 ans, quittèrent leur île pour Angleterre. Ils seront affectés dans les forces navales de la France libre. 18 y perdront la vie.

Le reste de l’île est découpée en lopins de terre, séparés par des murets coupant le vent pour protéger les plantations. Nous nous aventurons dans la lande.

sein_lande

Un arrêt face à la chapelle Saint-Corentin :

sein_chapelle

Nous revenons ensuite vers les maisons sous le soleil. Sein s’anime alors que l’heure du retour vers le continent approche. Sur le port, le bateau charge valises et sacs ; les visiteurs venus sur l’île quelques jours (profitant du pont du 11 novembre) repartent aujourd’hui.

sein_cote

Une fois à bord, l’horizon se couvre de nuages noirs menaçants. Nous les battons de vitesse sur la première moitié de la traversée ; au loin, Sein disparaît sous la pluie.

Retour à Douarnenez. Avant de rentrer, nous profitons encore un peu de la ville sous la lumière de l’aube. A l’opposé du vieux port, nous tombons nez à nez avec le Tres Hombres, qui mouille dans le bassin du Port-Rhu.

sein_treshombres

Nous avions été assister la veille à une conférence au port-musée vantant les mérites du voilier qui sillonne les mers. Affrété par la compagnie bretonne transocéanique Towt (TransOceanic Wind Transport), le brick goélette fait partie d’une expérience de commerce maritime de produits bio à la voile. Le Tres Hombres est aujourd’hui le seul cargo au monde sans moteur – plus d’info sur le site FairTransport. Arrivé avec de la bière bio et du thé des Açores, le bateau doit repartir de cette escale avec du vin. Vers un nouvel éco-label ?

sein_label

Bien que nous soyons tentées de monter à bord (car le Tres Hombres recrute! Pour prendre la mer quelques jours ou partir pour six mois, toutes les infos ici), nous reprenons finalement la route vers Quimper.

sein_quimper

Pour aller plus loin, et si vous avez envie d’en savoir plus sur l’île de Sein, voici la vidéo d’un reportage de TF1 qui lui est consacré. Un an avec les Sénans, au gré des saisons :

Et vous, tentés aussi par un aller au bout du monde ?