Le Suriname… Probablement l’un des pays les moins connus de la planète ! Situé au Nord du Brésil, c’est l’une des trois Guyane, pris en étau entre le Guyana, Guyane anglaise, et le département d’outremer français.

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Les amérindiens (présence datée à l’an 3000 avant J.-C.) furent les premiers à occuper le pays, basés essentiellement sur les berges du Maroni.

C’est en 1596 que des commerçants néerlandais foulèrent pour la première fois les côtes et fondèrent la toute première colonie hollandaise d’Essequibo, abandonnée cinquante ans plus tard.

Second européens à tenter leur chance : les britanniques, s’attirant aussitôt les foudres néerlandaises. Deux territoires alors sont convoités : la colonie néerlandaise de la Nouvelle-Amsterdam (qui allait devenir New York) et le Suriname. Elles se gagnent et se perdent au rythme des trois guerres anglo-néerlandaises (ou Dutch wars). Enfin, en 1816, le Suriname passe sous l’administration des Pays-Bas.

1863 : l’abolition de l’esclavage, après plus d’un siècle d’agriculture développée grâce au travail des esclaves. Nombreux étaient ceux qui s’enfuyaient alors des plantations, les Noir Marrons ou Bushinengués, peuplant aujourd’hui les berges du Maroni au sein des campous qu’on rencontre tout au long du fleuve.

 Le Suriname obtint son indépendance officielle en 1975.

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Plus marquée qu’en Guyane, la diversité ethnique est très forte au Suriname, où vit une multitude de communautés. Aussi étonnant que cela puisse paraître au premier abord, la majorité de la population (37%) est d’origine indienne : ce sont les Hindoustanis (tant hindous que musulmans ou chrétiens), descendants d’immigrés venus d’Inde au XIXe siècle. Viennent ensuite les Créoles, les Javanais et les Marrons, sans oublier les Amérindiens (2%) et les Chinois (2%). Les Européens, quant à eux, néerlandais ou d’autre nationalité, représentent moins de 1% des habitants.

Cette diversité est très marquée au sein de la capitale à taille humaine du pays, la belle Paramaribo, bâtie sur les berges du fleuve Suriname. Ici, ni gratte-ciels, ni centre d’affaires très étendu mais un cœur historique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO aux maisons blanches en bois de style colonial et des quartiers populaires fourmillant de vie les jours de marché. D’ailleurs, Paramaribo représente à elle seule toute la population de Guyane : 250 000 habitants ! Il s’agit d’une ville, une vraie, face à laquelle Cayenne fait pâle figure.

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Comme d’habitude, ce week-end est le fruit d’un concours de circonstances : une cascade de choix et d’évènements lors de la journée du jeudi joueront en ma faveur… C’est donc 24h avant le grand départ que j’apprends  que je pars au Suriname avec Vincent et Marie ! Juste énorme ! L’hôtel a été réservé la veille, les excursions bouclées plus ou moins : nous serons donc trois à partir.

Le vendredi matin, en catastrophe, j’effectue le passage au consulat du Suriname, obligatoire, pour obtenir une carte touristique faisant office de visa pour quelques jours. Le passeport est évidemment aussi exigé. Le consulat ouvre à 9h : arrivée à 9h05, je découvre avec horreur une queue imposante devant le bâtiment. Bon… Heureusement, la carte touristique se fait vite et je ressort quarante minutes plus tard avec le précieux sésame. Derniers préparatifs et Marie, Vincent et moi blindons le coffre de sacs, prêts à partir.

Il est 15h quand nous prenons enfin la route. Vincent au volant, nous avalons le bitume. Alors que nous quittons Cayenne, roulant à toute allure à travers la forêt amazonienne, il s’écrie :

– Des fois, je me demande comment j’ai fait pour en arriver là. Quel est le sens de ma vie ?

– Oh là, tu vas chercher loin…, soupire Marie.

– Disons que je vais chercher vers l’Ouest, rétorque-t-il.

Et c’est ainsi que nous sommes partis pour Saint-Laurent-du-Maroni. Trois heures de route et nous atteignons enfin le port de la ville où j’avais pris la pirogue de fret pour remonter le Maroni jusqu’à Grand-Santi.

Le fleuve est toujours aussi brun et le soleil de fin d’après-midi baigne la ville. A la sortie de la voiture, nous nous faisons littéralement submergés par des locaux venus nous proposer une pirogue. Nous acceptons l’offre du premier, un peu surpris par la vitesse à laquelle ils sont arrivés.

Nous déposons la voiture au parking puis allons montrer patte blanche à la Police Aux Frontières (PAF). Sacs sur le dos, nous montons ensuite à bord d’une pirogue pour nous rendre sur la berge surinamienne, à Albina, dans la lumière déclinante du soir. Nous traversons la frontière !

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En face, passage obligé à la PAF cette fois surinamienne qui baptise mon passeport tout neuf.

Prochaine étape : la capitale. Située à 1h30 d’Albina, Paramaribo n’est pas si proche et nous montons à bord d’un taxi pour nous y rendre. Ici, la conduite est à gauche ! La route est neuve de quelques années, file droit contrairement aux RN1 et RN2 guyanaises qui serpentent de tous côtés et est éclairée ! Il y en a qui ont les moyens…

Nous avalons les kilomètres à 130km/h. Enfin, la forêt jusqu’alors omniprésente recule tandis que la banlieue s’étire. Nous nous arrêtons à un bureau de change pour troquer nos euros contre les fameux dollars surinamiens SRD et leurs pièces de cents carrées. Ici, 1€ vaut 4,43 SRD, quoique le bureau de change nous multiplie par 4,6. En échange de 50€, je me retrouve donc avec un joli paquet de billets. Je suis riche ! Riche !

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Au Suriname, le salaire moyen ne dépasse pas les 500€ par mois ; aussi, nombreux sont les touristes qui profitent des magasins pour faire du shopping. Tout est à prix cassé ! Pour un nuit à l’hôtel, comptez 25€, un plat au restaurant 4€, un verre de caïpirinha, le cocktail brésilien rhum-sucre-citron vert 3€. Un paradis pour les étrangers qui profitent de la pauvreté du pays (presque 30% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté).

La nuit tombe. C’est aux alentours de 21h que nous prenons le pont qui enjambe le fleuve Suriname, nous offrant une vue panoramique sur la capitale brillant de mille feux dans la nuit.

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Le taxi nous dépose devant notre hôtel. Quelle classe ! La réceptionniste nous remet les clés de nos chambres après quelques soucis de compréhension – désormais, il faut parler anglais – et nous voilà officiellement devenus visiteurs de passage.

Une petite promenade et nous découvrons une capitale endormie. Il est 22h et pas un chat dans les rues. Les grandes avenues bordées d’arbres majestueux sont plongées dans le silence et les maisons blanches en bois, aux balcons soignés à colonnade et aux perrons de briques rouges, se suivent sans se ressembler. Nous prenons la rue qui longe le fleuve et tombons sur une petite place abritée, entourée de stands. Certaines échoppes vendent de la nourriture chinoise, d’autres créole, d’autres non identifiée. Nous prenons un traditionnel nassi-poulet, le tout arrosé de Parbo, la célèbre bière du Suriname – accessoirement, avant de devenir le nom d’une marque, Parbo est aussi le diminutif de Paramaribo.

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Retour à l’hôtel. Un vrai lit ! Un vrai matelas ! Un vrai coussin ! Avec la clim et une couette, c’est vraiment le grand luxe. Après toutes ces nuits en carbet, Marie et Vincent ont gardé de vieux réflexes qui m’ont fait bien rire : bien qu’ils savaient qu’on dormait à l’hôtel, Marie a pris un sac de couchage, Vincent une lampe frontale + son imparable couac-sardine et les deux des serviettes de bain. Leur excuse : on ne sait jamais.  C’est vrai qu’en arrivant tard à l’hôtel et sans numéro à portée de main, on a tous eu peur d’être refoulés et de devoir dormir en définitive à l’aéroport, mais bon…

Le lendemain, nous nous réveillons à 7h. Petit déjeuner gratuit à l’hôtel et nous sortons sous le soleil dans les rues. Déjà, beaucoup plus d’animation que la veille. Nous avons demandé à la réceptionniste où se trouvait le marché et ses indications nous conduisent droit sur un grand centre commercial. Euh… Heureusement, après une longue balade, nous arrivons par hasard dans un quartier populaire.

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Là, une grande artère, peuplée de grands magasins et où circulent de belles voitures ; puis, une rue plus loin, nous sommes propulsés dans un univers complètement différent. Cette fois, les grandes enseignes ont laissé la place aux petits chinois (nom des épiceries, ndla), les grandes avenues à des ruelles étroites. Un immense hangar abrite un premier marché. Des étals, partout, recouverts d’épices, de fruits, d’herbes aromatiques. Nous déambulons parmi la foule, atteignons un petit labyrinthe de venelles qui m’évoque presque les souks marocains.

Un second hangar nous ouvre ses portes : cette fois, nous sommes dans le marché officiel de fruits et légumes de Paramaribo. Bien plus ordonné que celui de Cayenne, il est tout bonnement gigantesque. A l’étage, un nouveau labyrinthe, plus semblable aux souks que jamais où vêtements, produits de beauté, nécessaire de cuisine et autres objets insolites se mélangent dans un joyeux désordre.

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Nous achetons des fruits et des épices, en particulier du masala ou garam masala pour les connaisseurs, dénommé massalé à la Réunion, un mélange d’épices originaire du Nord de l’Inde que j’aurais à première vue appelé grossièrement curry au parfum et à la couleur.

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Ici, les Hindoustanis et les Créoles sont majoritaires parmi la foule. Dehors, les rues fourmillent de vie, à l’opposé des grandes artères riches du cœur historique que parcourent les grosses cylindrées. Des bus de toutes les couleurs, tapissés d’affiches à la Bollywood se succèdent, s’arrêtent, klaxonnent tandis que la foule va de marché en marché, mosaïque d’ethnies. Les plus repérables restent les Blancs, très peu nombreux, en particulier les Hollandais à la peau pâle et aux cheveux blonds venus découvrir la capitale.

La chaleur monte d’un cran tandis que midi se rapproche et nous faisons des pauses régulières à l’ombre, autour d’un verre de jus de fruits frais.

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Pour déjeuner, nous nous rendons dans un restaurant/fast food indien où on nous sert des rotis (roulez le R !), le plat surinamien par excellence. Originaire pourtant d’Asie (Inde, Thaïlande, Java…), on le retrouve au Suriname, légèrement modifié. Il s’agit d’une galette ou pain indien, qui enrobe poulet, haricots verts et pommes de terres, le tout agrémenté d’épices et de piment. Autant vous dire que j’ai englouti le tout, par faim mais aussi pour avoir le moins longtemps la bouche en feu. Délicieux quoi qu’il en soit !

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Nous évitons les heures les plus chaudes par deux heures de shopping dans les magasins climatisés du centre. Attention cependant : le samedi après-midi dès 15h, tout ferme et n’ouvrira de nouveau que lundi. Ici, le week-end est sacré ! Vêtements et chaussures de marque sont vraiment bon marché. Avec 50€, vous ressortez des magasins avec des sacs plein à craquer !

Repos à la gigantesque palmeraie du centre-ville, à l’ombre. La place des Palmistes de Cayenne n’a qu’à bien se tenir !

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Le soir, nous allons boire quelques caïpirinhas au bar-restaurant du coin puis dînons pour quelques euros. Le meilleur rapport qualité-prix qui existe ! Puis, passage obligé par l’un des nombreux casinos de la ville qui nous sert de l’alcool et de la nourriture à volonté, le plan parfait pour un before pas cher. Les machines à sous sont ennuyantes à souhait mais comme on peut avoir autant de Parbo que l’on veut…

Le lendemain, réveil à 7h.  Balade dans la ville sous le soleil, le long du fleuve. Ici, pas de plage ni berge et nous contemplons le fleuve Suriname s’étendre au loin, ses couleurs brunes tranchant sur le blanc de la ville.

Cet après-midi, nous partons sur le fleuve ! Nous avons réservé une excursion pour apercevoir le tucuxi, un dauphin au ventre rose – à ne pas confondre avec le dauphin rose de l’amazone – qu’on rencontre au niveau des estuaires et des côtes. Nous embarquons sur une pirogue touristique et descendons le fleuve Suriname, longeant bientôt des berges recouvertes de forêt, les dernières traces de civilisation disparaissant dans notre dos.

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A mille lieux de la capitale, nous croisons quelques villages sur pilotis de Marrons et nous arrêtons même à l’un d’eux pour goûter à des plats locaux, sorte de beignets frits à la banane ou aux herbes.

Nous n’apercevrons les dauphins qu’un court moment, la vision furtive d’un aileron ou d’un œil qui sort de l’eau. Qu’importe, le fleuve et ses berges sauvages méritent à eux seuls toutes les admirations, surtout dans la lumière du soleil couchant.

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Retour dans la capitale pour profiter de notre dernière soirée au Suriname. Nous nous dirigeons vers le coin des casinos en bord de fleuve et trouvons un bar sympathique où s’est jouée il y a quelques heures la finale de la coupe du monde de la FIFA Brésil.

Le matin, Marie et moi nous réveillons à 7h pour profiter d’une dernière virée shopping. A 10h, le taxi arrive et nous reprenons la direction d’Albina. Passage obligé aux deux PAF et traversée du Maroni en pirogue : nous sommes de retour en terres françaises !

Nous déjeunons à Saint-Laurent. Quand nous sortons du restaurant, la pluie s’abat sur la ville et nous courons à la voiture.

–  C’est le Suriname qui nous pleure, conclut Marie alors que nous reprenons la route vers Cayenne.

Un week-end dépaysant, qui aura eu le mérite de me faire complètement décrocher ! Quant au retour dans une grande ville et ce séjour luxueux (hôtel et restaurant tous les jours, quand même !) avec son côté sympathique de « touriste pris par la main » m’aura bien changée de la Guyane et des excursions-aventures en pleine forêt. Et puis parler anglais fait tellement du bien ! Une semaine de plus sur place n’aurait pas été de refus !

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