Saül… THE destination guyanaise ! Manquée il y a quelques mois, faute d’une santé de fer, je ne pouvais pas quitter la Guyane sans y avoir fait un saut. Mais avant de dérouler ce récit – dernier d’une longue série –, une petite présentation de la commune s’impose.
C’est au cœur du département, et plus globalement au beau milieu de la forêt amazonienne primaire, que se situe Saül, un petit bourg tranquille de 70 habitants isolé du reste du monde (pas de réseau là-bas ; et Internet était coupé lors de notre séjour).
Saül doit ses origines à la ruée vers l’or qui a agité le département à la fin du XIXe siècle. Les années 1910-1930 voient arriver de nombreux orpailleurs : parmi eux, beaucoup d’émigrés venus tenter leur chance dont un homme, Sahul, venu tout droit de l’île antillaise de Sainte-Lucie. Il donnera son nom au village.
En 1952 exactement, le Bureau Minier Guyanais ouvre la mythique piste de Bélizon, unique route qui relie alors le littoral à Saül. C’est sans compter la chute brutale du prix de l’or quelques années plus tard, combinée à l’épuisement rapide des gisements : laissée à l’abandon dix ans plus tard, la piste de Bélizon n’est plus utilisée aujourd’hui, hormis probablement par les orpailleurs illégaux et quelques randonneurs rejoignant Saül à pied (comptez 10-15 jours et encore !).
Car Saül, c’est 180 km depuis Cayenne ! On y accède donc uniquement par avion via la compagnie Air Guyane… ce qui n’a pas toujours été le cas.
Longtemps berceau de la recherche d’or, aujourd’hui Saül se tourne vers l’écotourisme ou tourisme vert. Ici, les étrangers sont accueillis à bras ouverts ! On va donc à Saül pour arpenter la forêt à partir de cinq layons extrêmement bien entretenus. Plongée en forêt amazonienne, parmi la flore et faune sauvage ! Presque un rêve d’enfant ! Mais comme dirait Marciano, ami guyanais : « Il n’y a que les métros pour partir dans la forêt sans chasser ni pêcher, seulement pour marcher ». Les randonneurs sont bien les premiers visiteurs du bourg ; viennent ensuite les chercheurs venus effecteur des missions scientifiques (relevés faunistiques, floristiques, …).
Ce séjour, long de cinq jours et attendu avec impatience, clôt mon stage de six mois. L’achèvement de l’aventure… ou le bouquet amazonien final d’une formidable expérience ! J’emmène avec moi trois personnes en expédition : Guillaume, habitué des sentiers en forêt, chapeau et machette à l’appui ; et Justine et Damien couple sportif d’infirmiers, indispensables toubibs du groupe. Cependant, à défaut de places dans l’avion, le duo n’arrivera que le lendemain de notre arrivée.
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Lorsque nous montons à bord du petit coucou d’Air Guyane le vendredi midi, 35 minutes de vol nous attendent. Nous survolons la forêt amazonienne, toujours aussi dense et trop immense pour être parcourue d’un seul regard, parsemée de troupeaux de nuages. Une barrière de pluie cingle l’horizon : nous la traversons dans des soubresauts, le paysage visible à travers les hublots disparaissant derrière la brume.
Et puis, finalement, le ciel se dégage à l’approche de Saül :
Comme pour Grand-Santi, l’aéroport du bourg est minuscule, toujours est-il que la piste d’atterrissage, elle, n’est pas faite de béton mais… de terre battue ! Lorsque nous descendons de l’avion, la chaleur nous prend à la gorge. Ça y est, c’est officiel : nous sommes bien au milieu de nulle part.
Plutôt que respecter l’ordre chronologique des évènements, je vais déplier le récit de notre séjour en fonction des boucles de randonnée que nous avons réalisées et les classer par ordre de préférence. ENJOY !
A noter que nous n’avons pas été sur le circuit Gros Arbres – seulement une partie. En conséquence, il ne sera pas traité dans ce chapitre.
Avant de commencer, un petit aperçu photo du bourg :
L’église et la poste du village
Fleurs d’Heliconia, papillon et fromager remarquable
Superbe dendrobate
Indy, notre guide amazonien
#4 : Circuit Monts La Fumée – 10km, 5h
Sans aucun doute le plus sportif des cinq layons ! Mais aussi celui qui offre aussi le plus beau point de vue – et le seul – sur la canopée…
Nous l’avons fait à deux, depuis le village Hmong à l’est du bourg. Il grimpe dans les hauteurs (dénivelé cumulé estimé à 400m).
Les photos du parcours :
Étranges excroissances et lianes envahissantes
Mais où est la grenouille feuille ?
Nous n’y risquerons pas la main
Aragog ?
Point de vue sur la canopée depuis les monts La Fumée
Focus sur : la dendrobate de Saül
Ou de son nom savant Dendrobates tinctorius. Les gens d’ici la disent endémique à Saül mais elle se rencontre également au Suriname, au Brésl et au Guyana. Il s’agit peut-être des couleurs – jaune et noir – de certains spécimens, qu’on ne rencontre qu’autour du bourg, dans la forêt tropicale humide.
Certains spécimens de l’espèce peuvent atteindre 6 cm ! Comme toutes les dendrobates, elle sécrète un poison toxique qui la recouvre entièrement.
#3 : Circuit Belvédère – 1h
Il s’agit d’un point de vue, au sommet de la montagne Pelée (312m), donnant sur le bourg et ses environs.
Les photos du parcours :
Au sommet de la montagne Pelée
#2 : Circuit Grand Bœuf Mort – 12km, 5h30
Nous l’avons réalisé l’avant-dernier jour de notre séjour et j’avoue avoir eu un coup de cœur pour ce layon. Il monte et il descend (peu sportifs, préparez-vous psychologiquement !) : pour faciliter la balade, il vaut mieux commencer la boucle depuis l’entrée située après le village Hmong.
Le sentier est large au départ puis se rétrécit considérablement tandis que la forêt nous engloutit. On traverse quelques criques peu profondes – baignade difficile – mais très jolies. C’est le layon le plus riche en faune de notre point de vue ou peut-être avons-nous eu tout simplement beaucoup de chance !
Les photos du parcours :
Insectes amazoniens
Faune douée en mimétisme
Kwata en vue !
#1 : Circuit Roche Bateau – 15km, 6h
Notre préféré pour une raison : le nombre important de criques le long du sentier, parfaites pour la baignade !
Beaucoup de chablis (arbres à terre) sur la fin du sentier. C’est aussi sur la dernière partie du layon que la cime, beaucoup plus haute et épaisse qu’au début, plonge la forêt dans la pénombre. Ambiance amazonienne garantie ! Le dernier jour, alors que nous retournions vers le bourg, nous avons entendu le son caractéristique du bois qui grince et plie au vent, suivi d’un bruissement violent du feuillage. Tous aux abris ! Violent coup de stress : le nouveau chablis s’est abattu au sol dans un vacarme sourd, pas très loin de nous. Il faut savoir que les chutes d’arbres sont la première cause de mortalité en forêt.
Les photos du parcours :
Sur le sentier
Grenouille et figuier étrangleur
J’ai glissé
Focus sur : le serpent corail
Rencontré sur le circuit Roche Bateau, en plein milieu du sentier, j’ai manqué de peu de l’écraser du pied. Bien m’en a pris : il fait partie des serpents les plus venimeux de la planète.
Connus pour leur dangerosité, les anneaux rouges, jaunes et noirs du serpent corail avertissent les animaux qui les évitent en retour. Toutes les espèces ne portent toutefois pas la même couleur.
D’après Christian, notre expert naturaliste, on distingue le vrai corail du faux (une espèce absolument inoffensive) par une caractéristique aisément identifiable à l’œil nu : la règle « deux dans trois » c’est-à-dire deux bandes blanches intercalées dans trois noires. Autre signe : certains faux corail ne portent pas d’anneaux jaunes.
En cas de menace, il agite sa queue et émet des sons. Son venin paralyse les systèmes nerveux et la moindre morsure entraîne une mort foudroyante.
Nous l’avons échappé belle !
On pourrait citer un autre serpent qu’on trouve en Guyane : le Grage ou Fer de lance commun (Bothrops atrox), en tête de la liste des serpents les plus dangereux. Ses crochets injectent du venin en grande quantité… et hautement toxique. Christian vit d’ailleurs avec un dans son carbet.
Roche bateau, résurgence et pont de cordes
C’est sur ces lignes que s’achève une longue liste d’articles…
J’espère que vous aurez savouré avec moi tous ces sentiers en forêt, ces nuits en carbet, cette faune et flore rencontrées, ces excursions, ces découvertes ! Les couleurs du marché de fruits et légumes de Cayenne, le sentier du Rorota, le paysage de la canopée plongée dans la brume depuis le sommet de la savane roche Virginie, le plaisir de se couler dans l’eau fraîche d’une crique couleur coca après une rando, la découverte de roches gravées amérindiennes ou encore l’incroyable sensation de liberté lors des voyages sur le fleuve lorsque la pirogue file sur l’eau brune… l’aventure avec un grand A !
La Guyane aura donc été pour moi une terre d’aventures, une histoire de rencontres et une formidable expérience professionnelle. Merci de m’avoir suivie au cours de ces six mois et pour ceux qui se posent encore la question : n’attendez plus, venez en Guyane !
Je mets donc un point final à ce chapitre guyanais et vous donne rendez-vous ailleurs, là où l’inconnu n’aspire qu’à se laisser découvrir.
Car après tout, nous ne sommes qu’au commencement, pas vrai ?
Oh ben nan alors, moi j’aimais bien, ces récits.
Même si c’est vrai, ils sont moins exotiques vu de la cité Castor que de la métropole.
Et bien, bon voyage retour alors.
Et bonne suite.
La cité Castor alors ? Ah oui, on n’était pas loin, en effet ! Bonne continuation en Guyane ; quant à moi c’est sûr : je reviendrais !
Tu as su nous donner envie de venir découvrir la Guyane par nous-mêmes, tout en nous abreuvant de récits passionnants. Celui-ci ne fait pas exception, et les sublimes photos combinées aux rebondissements de votre excursion savent nous happer.
C’est déjà fini, mais c’est aussi le début, comme tu le dis
Bisous et merci!
Merci Flora pour ce commentaire final 😉 ! Rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures, de toute façon !! Et vive Blog-Trotteurs !