Oublier Palerme… Un titre évocateur qui était voué à m’attirer en raison de mes origines siciliennes. Déniché en pleine rue parisienne, parmi un tas de livres à peine contenus par les battants d’un carton, il m’est tombé dans les mains, comme un signe du destin. Suite au décès d’une vieille personne ayant souvent voyagé, sans doute, au vu des autres ouvrages qui partageaient cet abri de fortune. Toute une vie dans cette caisse! N’étant pas prône à refuser une lecture, je l’ai fait mien avant que la pluie ne le détériore définitivement.

Une bibliothèque est un conglomérat de choix. Ces livres qu’on aurait souhaité parvenir à affronter. Ceux-ci qui nous ont laissé indifférente. Ceux-là qu’on a tant aimés, usés mais choyés.

Une poussière d’histoires nous monte au visage en la secouant, cette  caisse. Et de cette poussière naît une pépite, Oublier Palerme.

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Málaga, España

Oublier Palerme est un livre à déguster dans une contrée étrangère, afin d’en mieux ressentir les propos. Ce sont en effet des destins croisés dans un même exil qui s’y croisent, au détour des mots d’Edmonde.

Avant d’atteindre les morceaux savoureux de cet ouvrage, il faut néanmoins parvenir à passer le cap des vingt premières pages, au cours desquelles notre héroïne, Gianna, porte un regard très cruel sur sa collègue new-yorkaise, Barbara.

Ce qui est remarquable et appréciable dans ce livre, in fine, est l’évolution de chaque personnage au fil des chapitres. Au fur et à mesure que Gianna nous conte son passé perdu sicilien, qui surgit de chaque recoin en sa terre d’exil, elle guérit de ses blessures et remet en question son jugement sur ce qui l’entoure. Ses rencontres avec d’autres immigrés de sa terre natale, sur plusieurs générations, permet de reconstituer l’histoire de ce microcosme palermitain d’avant guerre.

Ce roman résonne vivement en son lecteur, et est doté de très belles pages dont je vais vous livrer un extrait ci-dessous. Sa force est d’aborder une multitude de thématiques, de la religion au monde des magazines pour femmes, en passant par le New-York du siècle passé, la politique locale et le sort des immigrés relégués dans les bas quartiers, ainsi que la définition changeante des êtres, sans pour autant perdre de vue ses personnages, qui sont au cœur de chaque phrase, chaque syllabe ciselée avec soin.

On a beau vouloir couper avec le passé, quelque chose malgré tout demeure, qui s’accroche et dont on a le plus grand mal à se débarrasser. Il faut s’arranger de ce qui remonte dans les souvenirs comme une bulle du fond d’un marais ; il faut prévoir la main qui dans le rêve se pose plus vraie que vraie ; il faut craindre l’inconnu dont le sourire déclenche un serrement de cœur ; il faut lutter contre les bras qui ne vous cherchent plus. Il faut se mentir, être lâche, toujours prévoir le pire et savoir qu’à la moindre défaillance le combat reprendra du début.

Enfin, l’auteure de ce fabuleux roman mérite bien quelques mots. Edmonde Charles-Roux est décédée à l’âge de 95 ans tout récemment, en janvier 2016. Sa vie fut aussi passionnante qu’un roman, et je vous conseille la lecture de cette nécrologie publiée dans le Monde à sa mort.

Source

Personnage romanesque à part entière, qui a livré d’autres œuvres que je m’empresserai de découvrir!

Un grand coup de cœur.