Assurément la meilleure journée que j’aie pu passer jusqu’à maintenant en Éthiopie ! Cette année, la fête de la Vraie Croix – Mesqel – est tombée le 28 septembre de notre calendrier. Cette fête religieuse, célébrée par l’Église orthodoxe éthiopienne, commémore la découverte de la croix sur laquelle le Christ aurait été crucifié. Après la mort de Jésus, la croix en question fut volée par les Perses. Ils l’enterrèrent pour la cacher et elle fut oubliée.

Bien plus tard, l’impératrice byzantine Hélène (Nigist Eleni en amharique) eut une révélation durant un rêve : allumer un grand feu afin de retrouver la Vraie Croix. Elle ordonna donc aux habitants de Jérusalem de préparer un bûcher. La fumée, épaisse, fut emmenée par le vent jusqu’à l’endroit précis où avait été enterrée la fameuse croix.

Afin de célébrer cette découverte, l’Éthiopie a fait de Mesqel un jour férié. Près de 1600 ans que cette fête est célébrée dans le pays ! Les feux sont allumés dans la nuit ou à l’aube. C’est à Addis que le bûcher le plus imposant est monté sur Mesqel Adebabay (Mesqel Square). A Debre Tabor, c’est sur la place Theodoros (Theodoros Adebabay) qu’a lieu la cérémonie.

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Nous nous y rendons avec les enfants – une dizaine à peu près, tous du kebele 3, que je connais maintenant tous très bien. La foule est bien au rendez-vous, habillée de blanc, la couleur que les Éthiopiens revêtent pour aller à l’Église ou les jours de fête. Nous trouvons une place proche du centre, de façon à pouvoir voir les prêtres, alignés, face à face, chantant et débutant la cérémonie, appliquant un rituel millimétré mais dont beaucoup de détails – hélas ! – nous échappent.

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L’ambiance est au rendez-vous : les gens, attentifs, battent des mains au son des tambours ; les plus chanceux au premier rang peuvent suivre attentivement le déroulement de la cérémonie.

Des estrades ont été montées autour de la place mais nous restons debout, sous le soleil tapant de onze heures, à regarder, l’œil posé sur les prêtres qui poursuivent leurs chants.

mesqel_priestsLes prêtres orthodoxes, chantant, un étrange instrument ( ?) dans la main droite

Nous suivons respectueusement le déroulement de la cérémonie. Au centre de la grande place, le demera, le bûcher symbolique, recouvert d’herbes. Gigantesque !

A son sommet, une croix de bois. On dit qu’une fois allumée, la direction de la fumée et la façon dont s’effondrera la croix indiquera le cours des évènements à venir.

mesqel_demeraLe demera, place Theodoros

La Vraie Croix, une fois récupérée par les Byzantins, aurait été partagée en trois parties par l’empereur lui-même : l’une d’elle fut placée dans le monastère de Gishen Mariam où de grandes foules viennent chaque année la vénérer, le vendredi 2 octobre de notre calendrier grégorien. Cette célébration est plus imposante que celle de Mesqel, c’est pour dire !

 Et puis, après un solennel discours en amharique que la foule a salué de grands Amen et de prières silencieuses, les chants et les tambours reprennent. Le monde reprend vie, brutalement : tous s’avancent vers le centre où trône le bûcher et nous emboîtons le pas à l’élan général, la foule de tous côtés. Les visages s’illuminent, les applaudissements éclatent quand le bûcher s’embrase.

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Sans cesser de chanter, une première procession fend la foule, portant drapeau éthiopien et lourdes croix de bois.

Puis, des cavaliers font irruption sur la place : tout le monde recule à leur approche. Les chevaux sont magnifiques, ainsi décorés de parures rouges somptueuses.

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Désormais, la journée est à la fête ! Nous quittons la place pour nous rendre dans l’une des maisons où nous avons été invités à partager le déjeuner. La coutume éthiopienne veut qu’une chèvre – ou un mouton, mais plus rare à Mesqel – soit tuée pour préparer le repas de fête. Ce sont les hommes qui se chargent généralement d’abattre et de vider la bête ; puis les femmes s’occupent de la préparation. Le matin, alors que nous allions chercher les enfants au kebele 3, on tuait un mouton dans l’une des maisons. J’avais beau être assise juste à côté, impossible de regarder – ce qui faisait sourire la famille qui nous avait invité à boire le café.

mesqel_food

La viande cuit depuis deux heures, mélangée à des épices – berbere. Le dulet – morceaux de foie mélangé à des piments verts et des oignons – nous est d’abord servi avec la traditionnelle injera. Délicieux ! Puis, nous avons droit à la viande épicée, le tout arrosé de t’ella, la bière locale ultra nutritive.

Généralement, hommes et femmes se séparent durant le repas. C’est donc tout naturellement que je suis invitée à rejoindre les femmes et assister à la préparation du café. Sélection des grains, nettoyage minutieux, cuisson aux braises puis pilage : la poudre obtenue est ensuite insérée dans le jebena avec de l’eau chaude. Puis, j’ai droit aux trois cafés, tel que le veut la coutume (respectivement, abol, tona et bereka).

La musique est lancée : let’s dance ! Il faut savoir que la danse éthiopienne se concentre dans les épaules qu’hommes et femmes bougent avec adresse. Rien à voir avec nos danses à nous. Je m’y essaye et fait rire toute l’assistance qui m’encourage à persévérer.

La fin d’une belle journée ! J’ai pu tenir mes vraies premières conversations en amharique et profiter d’être au sein des familles et partager un moment avec elles, une opportunité rare pour un étranger. Love Ethiopia !!!

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