Chers Blog-Trotteurs et aficionados,

Décembre est déjà là, et avec lui arrive la Saint Nicolas!

Remontons quatre ans auparavant, si vous le voulez bien, et embarquons à bord d’un car bondé, direction… St Nicolas de Port! Cette sortie mérite sans nul doute le très officiel label Blog-Trotteurs ™, puisque je m’y suis rendue avec Florence et ses parents dès notre premier hiver nancéien. Elle m’avait en effet conviée à me joindre à eux pour ce périple organisé par le diocèse de Nancy.

N’ayant hélas pas documenté cette excursion à l’époque, je remercie les différents contributeurs, dûment crédités sous chacune des illustrations, qui muent le présent récit en un tableau plus fin de cette cérémonie.

Basilique de St Nicolas de Port vue du ciel. Source

En ce samedi 3 décembre 2011, nous arrivons donc à la nuit tombante devant la célèbre basilique de St Nicolas de Port, à seulement 13 km de Nancy. La procession aux flambeaux s’y déroule en effet chaque année au soir du samedi le plus proche de la Saint Nicolas, célébrée le 6 décembre.

St Nicolas de Port, capitale historique de Saint Nicolas 

Cette année verra la 770ème procession ancestrale aux flambeaux en la basilique Saint Nicolas. Pourquoi cette procession, au juste?

En 1090, un seigneur lorrain rapporta dans son village une relique, censée être – accrochez-vous- l’os d’une phalange de la main droite de l’évêque (dite dextre bénissante). De nombreux miracles se seraient par la suite réalisés, conduisant à d’importants pèlerinages vers St Nicolas de Port, qui exigèrent la construction d’une première église en 1104.

Dès 1120, les ducs de Lorraine firent de Saint Nicolas le patron de la région. Une deuxième église remplaça la première en 1193, et devint le siège de la libération miraculeuse du sire de Réchicourt.

Cunon de Réchicourt était un chevalier lorrain emprisonné en Palestine lors de la sixième croisade, vers 1230. Depuis sa prison près de Gaza, Cunon aurait prié Saint Nicolas sans discontinuer. Le 5 décembre 1240, ayant encore passé la nuit en prières, il plonge dans un profond sommeil. A son réveil, au matin du 6 décembre, surprise! Le voici sur le parvis de l’église Saint Nicolas! Comblé de joie, il instaura dès l’année suivante une procession pour commémorer ce miracle.

Allée latérale de la basilique. Source

L’église, devenue basilique, accueille durant plusieurs siècles ducs et personnages célèbres de Lorraine, mais également princes et rois de France, qui s’y succèdent en quête de la protection de Saint Nicolas.

Bombardée en 1940, elle n’est rouverte au culte qu’en 1950, année où le pape Pie XII lui confère le titre de Basilique.

La basilique suite aux bombardements de 1940. Source

Fortement détériorée par les bombardements, il faudra attendre mars 1980, date du décès de Camille Croué Friedman, riche Portoise émigrée au États-Unis, pour que sa beauté passée lui soit rendue. Camille lègue en effet à l’Évêché la faramineuse somme de 5 millions de dollars, ce qui permet de mettre en branle un grand chantier de restauration de la basilique.

Déroulement de la procession

La procession ancestrale évoque donc la libération miraculeuse du sire de Réchicourt. Des pèlerins affluent encore aujourd’hui de toute la France à cette occasion, notamment à pied pour ceux venus du fief dudit chevalier, Réchicourt le Château (60 km à parcourir, tout de même!).

Une messe est dite en présence du sire de Réchicourt actuel, accompagné de ses pages, de paroissiens en costumes de Jeanne d’Arc, et d’une statue de Saint Nicolas. Le bras reliquaire est également fièrement dressé pour l’occasion.

StNico

Dignitaires du diocèse. Source

Suite à cette messe, la procession se forme, avec à sa tête les prêtres entourant statue et relique, suivis des figurants et enfin des fidèles ou curieux. Chacun brandit à bout de bras un cierge, abrité par un cornet habituellement orné des paroles de l’hymne dédié à Saint Nicolas.

La procession depuis la foule. Source

Son refrain est le suivant:

Saint Nicolas, ton crédit d’âge en âge,
a fait pleuvoir tes bienfaits souverains.
Viens, couvre encor’ de ton doux patronage
tes vieux amis les enfants des Lorrains.

Le cortège ainsi constitué fait le tour de la basilique en entonnant ce chant, accompagné du majestueux orgue.

A noter que l’hymne est composé d’une cinquantaine de couplets (sic), mais ne craignez rien, vous avez encore le temps de tous les apprendre d’ici samedi prochain! Plus sérieusement, je peux vous assurer d’expérience que la foule se contente de marmonner lors des couplets, et se réveille à chaque retour en force du refrain, où elle s’en donne à cœur joie.

La procession depuis la tribune. Source

Ressenti

Participer à cette procession fut une expérience qui m’a laissé une très forte impression. Imaginez le décor: tout autour de vous, la pierre plongée dans une obscurité partielle que brisent des centaines de flammèches fugitives. Le froid est intense, fidèle à sa réputation lorraine, contribuant à créer l’illusion d’un tourbillon de pas prenant place au cœur d’un lieu immuable. Les voix vous encerclent de toute part, le mouvement de leurs corps est perpétuel, et le chant s’élèvera des heures durant jusqu’à la nef.

Les lieux de culte sont des espaces que j’aime arpenter, et cette basilique ne fait pas exception. Non pas tant pour y percevoir la présence d’une ou plusieurs divinités – non, bien au contraire, pour ce qu’ils révèlent de l’humain. Chaque individu ayant poussé les portes de ces lieux était animé d’espoirs, d’attentes, de craintes. Il les a déposés quelque part, près de l’autel peut-être, ou bien sous le buffet abritant l’orgue, ou encore dans les éphémères chandelles sans cesse rallumées. Parcourir ces édifices séculaires, c’est entrevoir des parcelles de rêves briller dans la semi-clarté, et illuminer l’espace tout entier.

Une procession est le souvenir en mouvement, car nous sommes soudainement propulsés à une autre époque, auprès d’autres personnes… Cette sensation si particulière, dont l’oriflamme restera à jamais pour moi la visite de Pompéi, je l’ai ressentie à St Nicolas de Port.


St Nicolas en tournée dans toute la France! Source

De manière plus païenne, Saint Nicolas conserve son statut de bienfaiteur auprès des plus jeunes Lorrains. La tradition veut ainsi que les enfants laissent leurs chaussons devant la porte la veille du 6 décembre, accompagnés d’une carotte et d’un sucre pour l’âne du saint. Il passe dans la nuit et dépose oranges, sucreries, pain d’épices, voire des jouets pour les plus méritants.

Vitrail représentant Saint Nicolas. Source

Joyeuse Saint Nicolas à tou-te-s!